« Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie, et des carrosses tout dorés ; mais par malheur cet homme avait la Barbe bleue : cela le rendait si laid et si terrible, qu’il n’était ni femme ni fille qui ne s’enfuît de devant lui.
Une de ses voisines, dame de qualité, avait deux filles parfaitement belles. Il lui en demanda une en mariage, et lui laissa le choix de celle qu’elle voudrait lui donner. Elles n’en voulaient point toutes deux, et se le renvoyaient l’une à l’autre, ne pouvant se résoudre à prendre un homme qui eût la barbe bleue. Ce qui les dégoûtait encore, c’est qu’il avait déjà épousé plusieurs femmes, et qu’on ne savait ce que ces femmes étaient devenues. »
Ce terrible conte, qui met en garde les petites demoiselles contre certains prédateurs, est illustré ici de papiers découpés aux couleurs si franches qu’elles en deviennent violentes – aussi violentes que le thème du conte. De plus, l’illustratrice a planté un décor des plus contemporains : belle voiture, villa de luxe, silhouettes à la mode – jusqu’aux frères appelés par sœur Anne qui déboulent enfin sur leurs motos. Un choix donc délibéré et assumé – on aime ou on déteste, mais cela ne laisse pas indifférent. Une fois n’est pas coutume, je vous présente donc un album qui me dérange – mais n’est-ce pas la force du conte de Barbe-bleue, ici en version intégrale, de nous faire frémir aujourd’hui encore ?
Dès 8 ans, une lecture à accompagner.
Charles Perrault, La Barbe bleue, illustrations de Sara, Le Genévrier, 2016, 56 p., 18 €