« Pourquoi cette femme criait-elle, et que lui faisiez-vous ?
— Nous la conduisons au corps de garde parce qu’elle n’a point de carte de civisme.
— Si vous m’eussiez répondu cela tout de suite, l’explication aurait été plus courte. Emmenez cette femme où vous voulez.
— Citoyen, s’écria à son tour, en saisissant le bras de Maurice, la femme, qui avait suivi tout le débat avec une profonde anxiété ; ne m’abandonnez pas à la merci de ces hommes grossiers et à moitié ivres !
— Soit, dit Maurice ; prenez mon bras et je vous conduirai avec eux jusqu’au poste.
— Monsieur, dit la jeune femme, si l’on me conduit au poste, je suis perdue. »
Nous sommes le 10 mars 1793 – quelle précision sous la plume de Dumas – et répondre « Monsieur » au lieu de « citoyen », c’est déjà se rendre suspect. Quant à s’exprimer galamment et à offrir son bras… il faut bien être, comme Maurice Lindey, jeune lieutenant de la garde nationale pour en imposer aux enrôlés volontaires qui patrouillent dans Paris. Sous la plume de Dumas, le roman historique se fait roman de cape et d’épée, roman d’espionnage, sans oublier ni la romance ni l’humour, mais aussi roman politique. Et on se prend à croire que, non, Marie-Antoinette ne périra pas sur l’échafaud tant sont grandes l’imagination et la fougue du chevalier de Maison-Rouge. Si les idées neuves ne gomment pas si vite les sentiments chevaleresques, les amoureux naïfs vont être la proie d’un savant « montage » qui, le moment venu, se retournera contre eux sans l’ombre d’un repentir de la part des conjurés.
Boris Moissard a astucieusement abrégé le texte du roman. La version proposée ici n’est donc ni un résumé, ni une suite de morceaux choisis, ce qui permet de conserver une certaine alacrité dans le récit – sans sacrifier ni au style ni aux imparfaits du subjonctif.
Dès 12 ans
Alexandre Dumas, Le Chevalier de Maison-Rouge, préface de Boris Moissard, coll. « Classiques abrégés », L’Ecole des Loisirs, 2016, 252 p., 6,10 €